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sons. Le nombre exact des morts du côté du peuple est inconnu, il dépassa cent cinquante ; beaucoup de blessés se dissimulèrent. Les Versaillais eurent trente morts et cinquante blessés. Plus de neuf cents personnes furent jetées dans les casemates du château d’If et du fort Saint-Nicolas. Gaston Crémieux fut arrêté chez le concierge du cimetière Israélite. Il se découvrit volontairement à ceux qui le cherchaient, fort de sa bonne foi, et croyant à des juges. Le brave Etienne fut pris. Landeck s’était éclipsé.

Le 5, Espivent fit une entrée triomphale, acclamé par l’ivresse des réactionnaires. Du second rang de la foule, des cris et des huées partirent contre les massacreurs. Place Saint-Ferréol on tira sur un capitaine et la foule lapida les fenêtres d’une maison d’où l’on avait applaudi les marins.

Deux jours après la lutte, le conseil municipal, retour de la Couronne, retrouva la voix pour frapper les vaincus.

La garde nationale fut désarmée. Espivent pélerina au cri de : « Vive Jésus ! Vive le Sacré-Cœur ! » Le club de la garde nationale fut fermé et les radicaux injuriés, persécutés, connurent une fois de plus ce qu’il en coûte de déserter le peuple.

Narbonne était déjà réduite. Le 30 mars, le préfet et le procureur avaient publié une proclamation où ils parlaient de la poignée de factieux, disaient qu’ils étaient, eux, la vraie République, et télégraphiaient partout l’insuccès des mouvements de province. « Est-ce une raison, avait fait afficher Digeon, pour abaisser devant la force ce drapeau rouge teint avec le sang de nos martyrs ?… Que d’autres consentent à vivre éternellement opprimés… » Et il barricada les rues qui mènent à l’hôtel de ville. Les femmes, encore les premières, soulevèrent les pavés, amoncelèrent les meubles. Les autorités, qui redoutaient une résistance sérieuse, députèrent Marcou auprès de son ami Digeon. Le Brutus de Carcassonne vint à l’hôtel de ville, accompagné de deux républicains de Limoux, offrit au nom du procureur général amnistie pleine et