Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/38

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On eût dit qu’il l’était, à lire ses journaux, à entendre ses réunions. Le Corps législatif avait été ajourné sans date, après une lettre de l’empereur concédant quelques menus droits aux députés et les voix de la rue s’entendaient d’autant mieux. Elles disaient l’homme des Tuileries moralement fini, physiquement atteint ; le Réveil, étudiant la marche de sa maladie, ne lui accordait que trois ans de vie ; l’impératrice, la cour, les fonctionnaires étaient criblés de traits autrement aigus que ceux de la Lanterne de jadis ; les réunions s’échappaient vers la politique ; il y en eut à Belleville de dissoutes à coups d’épée. Sur les palissades des nouveaux bâtiments des Tuileries où l’entrepreneur avait mis : « Le public n’entre pas ici », une main écrivit : « Si, quelquefois. »

Les parquets n’instrumentaient pas. On crut à un régime nouveau, Rouher ayant été remisé au Sénat, les ministres du jour étant des inconnus. Toute occasion d’attaquer parut bonne. L’empereur a convoqué le Corps législatif pour le 29 novembre. Un député de la Gauche, Kératry, s’avise de dire qu’il doit l’être pour le 20 octobre, que la Constitution est violée, qu’il faut que les députés viennent le 26, place de la Concorde, reprendre, fût-ce par la force, leur place au Palais-Bourbon. La Réforme saisit l’idée. Gambetta écrit de Suisse : « J’y serai. » Raspail, Bancel de même ; Jules Ferry déclare qu’il répondra à « l’insolent décret. »

La fusillade d’Aubin parle aussi ; le 8 octobre, quatorze ouvriers grévistes sont tués par la troupe et cinquante blessés. Paris s’échauffe. Le 26 peut devenir une journée ; la Gauche s’effraye, signe un manifeste fortement motivé pour couvrir sa retraite. Les hommes d’avant-garde vont la sommer d’expliquer cette attitude double. Jules Simon, Ernest Picard, Pelletan, Jules Ferry, Bancel se rendent à la convocation récusée par Jules Favre, Garnier-Pagès et d’autres qui relèvent de leur conscience. La salle tient à peine deux cents militants vieux et jeunes, écrivains, orateurs de réunions publiques, ouvriers, socialistes connus. La présidence vient à Millière, récemment congédié par une grande compagnie qui n’admet pas d’employés socialistes. Les députés font assez pauvre figure, sauf