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Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/50

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Berlin ! » Benedetti, arrivé le lendemain, d’un mot peut tout éclaircir ; ils n’entendent rien, foncent dans le lacet. Grammont et Le Bœuf au Sénat lisent une déclaration de guerre où le supplément de la Gazette de Cologne est compté comme document officiel. Le Sénat se dresse dans une seule acclamation ; un ultra veut souligner ; on l’arrête : « Plus de discours ! des actes ! » Au Corps législatif les serviles s’indignent quand l’opposition demande cette dépêche « officiellement communiquée aux cabinets de l’Europe ». Émile Ollivier qui ne peut la montrer, invoque des communications verbales, lit des télégrammes d’où il ressort que le roi de Prusse a approuvé la renonciation. « On ne peut pas faire la guerre là-dessus, dit la Gauche », et M. Thiers ; « Vous rompez sur une question de forme… je demande qu’on nous montre les dépêches qui ont motivé la déclaration de guerre. » On l’injurie. « Où est la preuve dit Jules Favre, que l’honneur de la France est engagé ? » Les mamelucks trépignent, 159 voix contre 84 repoussent toute enquête. Émile Ollivier s’écrie rayonnant : « De ce jour commence pour mes collègues et pour moi une grande responsabilité ; nous l’acceptons d’un cœur léger ! »

Séance tenante une commission feint d’étudier les projets de lois qui vont alimenter la guerre. Elle appelle Grammont, n’exige pas la prétendue dépêche adressée aux cabinets, — elle n’existe pas, — lui laisse lire ce qu’il veut, revient dire au Corps législatif : « La Guerre et la Marine se trouvent en état de faire face avec une promptitude remarquable aux nécessités de la situation. » Gambetta réclame des explications ; Émile Ollivier bredouille de colère ; la commission conclut : « Notre parole suffit ! » La presque unanimité vote ses projets de loi et seuls dix députés contre ; — tout le courage de la Gauche.

Sans doute elle avait combattu la guerre, mais toute sa vitalité s’était réfugiée dans la langue. Aucun n’avait saisi la bouche du canon. Pas un appel au peuple, pas un mot de Danton. Dans tous ces jeunes et ces vieux, hommes de 48, tribuns irréconciliables, pas une goutte de ce pur sang révolutionnaire qui tant de fois, tout près, avait coulé à flots aux époques héroïques.