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Page:Lucain, Silius Italicus, Claudien - Œuvres complètes, Nisard.djvu/36

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LUCAIN.


le Carthaginois Annibal avait franchi les monts. On remplit les cohortes de valides recrues ; partout les forêts tombent et deviennent des flottes ; et sur terre et sur mer l’ordre est donné de poursuivre César. Que serait-ce si nos drapeaux étaient tombés sous les colères de Mars, et si les Barbares des Gaules se ruaient sur nos traces ? Maintenant que la fortune nous seconde, et que les dieux nous appellent à de si grandes choses, on nous délie ! qu’il vienne donc ce chef amolli par une longue paix, avec ses milices improvisées, et ses hommes d’armes sous la toge, et son Marcellus bavard, et ces vaines idoles qu’on appelle Catons ! Eh quoi ! des clients « achetés par Pompée jusqu’aux confins du monde perpétueront la royauté dans ses mains insatiables ! Il conduira le char triomphal avant l’âge ! Jamais il ne quittera le pouvoir une fois ravi ! L’accuserai-je encore de la justice abolie dans le monde entier, et de cette famine rendue docile à ses ordres(1) ? Qui ne connaît les cohortes lancées dans le Forum épouvanté, quand le glaive menaça les juges tremblants devant cet auditoire inaccoutumé ; quand, l’audace du soldat envahissant le sanctuaire des lois, les lances pompéiennes enveloppèrent l’accusé Milon ? Et maintenant encore, craignant la retraite sans gloire d’une vieillesse énervée, coutumier de guerres civiles, il prépare de criminelles alarmes ; élève de Sylla, il a dépassé son maître dans le crime. Et de même que les tigres farouches ne déposent jamais leur rage, une fois que, sur les traces de leurs mères, dans les forêts d’Hircanie, ils se sont abreuvés dans les (lois de sang des troupeaux égorgés ; de même, habitué à lécher le fer de Sylla, ta soif dure toujours, ô Pompée ! lu as goûté le sang, et ton palais souillé n’est plus flatté que de cette boisson. Quand donc viendra la tin d’une si longue puissance ? Où s’arrêteront tes crimes ? Méchant ! que ton Sylla t’apprenne au moins à descendre du trône. Après les vagabonds de Cilicie, après les guerres contre Mithridate épuisé, à peine terminées par le poison du barbare. César est-il la dernière province qu’on assigne à Pompée ? Quoi ! c’est parce qu’il m’a commandé de déposer mes aigles victorieuses, et que je n’ai point obéi ! Si vous me ravissez, à moi, le prix de mes travaux, soit, laissez le général ; mais, du moins, donnez aux soldats la récompense d’une si longue guerre, et que ces braves triomphent, n’importe sous quel chef ! Où donc iront-ils reposer de la guerre leur vieillesse épuisée ? Quelle retraite auront-ils après leur service ? Quels champs donnera-t-on à labourer à nos vétérans ? Quelle cité leur offrira le repos ? Toutes les colonies, Pompée, seront-elles donc pour tes pirates ? — Levez, levez l’enseigne longtemps victorieuse, il faut user des forces que nous nous sommes faites ! Qui méconnaît les droits, livre