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français du dix-huitième siècle, à des conclusions négatives ou sceptiques en métaphysique, ne crois pas que ce soit comme eux par le chemin de la psychologie sensualiste. L’honnête Locke, bien qu’il ramenât toutes nos idées à la sensation et à la réflexion opérant sur les données sensibles, avait fait tout au monde pour laisser à Dieu une place dans sa doctrine. Il gardait le principe de causalité, il gardait l’idée de l’infini, il gardait l’idée du devoir. En cela, par malheur, il faisait ce que sa psychologie lui ôtait le droit de faire. On le lui fit bien voir. Ses disciples, moins bons chrétiens que lui et beaucoup meilleurs logiciens, prouvèrent aisément que l’expérience, surtout l’expérience sensible, source unique, selon lui, de toutes nos connaissances, ne peut fournir ni le principe de causalité, ni l’idée de l’infini, ni par conséquent la notion de Dieu et la preuve de son existence. De là une métaphysique toute négative et sceptique, à laquelle visiblement on ne pouvait échapper qu’en renonçant à la psychologie sensualiste, en refaisant l’inventaire de l’esprit humain, et en constatant chez lui l’existence d’idées et de principes que la sensation est impuissante à fournir. En d’autres termes, au lieu d’accommoder tant bien que mal à un système les notions de l’intelligence, au lieu de mutiler ou de nier celles que le système ne peut expliquer, il s’agissait de les prendre telles qu’elles sont, et de les rapporter à une origine qui explique leur présence au lieu de la