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Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/117

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ment dans la partie du cerveau à laquelle les nerfs aboutissent, il arrive aussi du changement dans l’âme, c’est-à-dire, comme nous avons déjà expliqué, que s’il arrive dans cette partie quelque mouvement des esprits qui change quelque peu l’ordre de ses fibres, il arrive aussi quelque perception nouvelle dans l’âme ; elle sent nécessairement, ou elle imagine quelque chose de nouveau, et l’âme ne peut jamais rien sentir, ni rien imaginer de nouveau, qu’il n’y ait du changement dans les fibres de cette même partie du cerveau.

De sorte que la faculté d’imaginer, ou l’imagination, ne consiste que dans la puissance qu’a l’âme de se former des images des objets, en produisant du changement dans les fibres de cette partie du cerveau que l’on peut appeler principale, parce qu’elle répond à toutes les parties de notre corps, et que c’est le lieu où notre âme réside immédiatement, s’il est permis de s’exprimer ainsi.

II. Cela fait voir clairement que cette puissance qu’a l’âme de former des images renferme deux choses : l’une qui dépend de l’âme même, et l’autre qui dépend du corps. La première est l’action, et le commandement de la volonté ; la seconde est l’obéissance que lui rendent les esprits animaux qui tracent ces images, et les fibres du cerveau sur lesquelles elles doivent être gravées. Dans cet ouvrage, on appelle indifféremment du nom d’imagination l’une ou l’autre de ces deux choses ; et on ne les distingue point par les mots d’active et de passive qu’on leur pourrait donner, parce que le sens de la chose dont on parle marque assez de laquelle des deux on entend parler, si c’est de l’imagination active de l’âme, ou de l’imagination passive du corps.

On ne détermine point encore en particulier quelle est cette partie principale dont on vient de parler. Premièrement parce qu’on le croit assez inutile. Secondement parce que cela est fort incertain. Et enfin parce que n’en pouvant convaincre les autres, à cause que c’est un fait qui ne se peut prouver ici ; quand on serait très assuré quelle est cette partie principale, on croit qu’il serait mieux de n’en rien dire.

Que ce soit donc, selon le sentiment d'Uvlis, dans les deux petits corps qu’il appelle corpora striata, que réside le sens commun ; que les sinuosités du cerveau conservent les espèces de la mémoire, et que le corps calleux soit le siège de l’imagination : que ce soit suivant le sentiment de Fernel dans la pie-mère, qui enveloppe la substance du cerveau ; que ce soit dans la glande pinéale de M. Descartes, ou enfin dans quelque autre partie inconnue jusques ici, que notre âme exerce ses principales fonctions, on ne s’en met pas fort