Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/163

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On a pu voir par les choses qu’on a dites dans le chapitre précédent que la délicatesse des fibres du cerveau est une des principales causes qui nous empêchent de pouvoir apporter assez d’application pour découvrir les vérités un peu cachées.

I. Cette délicatesse des fibres se rencontre ordinairement dans les femmes, et c’est ce qui leur donne cette grande intelligence pour tout ce qui frappe les sens. C’est aux femmes à décider des modes, à juger de la langue, à discerner le bon air et les belles manières. Elles ont plus de science, d’habileté et de finesse que les hommes sur ces choses. Tout ce qui depend du goùt est de leur ressort, mais pour l’ordinaire elles sont incapables de pénétrer les vérités un peu difficiles à découvrir. Tout ce qui est abstrait leur est incompréhensible. Elles ne peuvent se servir de leur imagination pour développer des questions composées et embarrassées. Elles ne considèrent que l’écorce des choses, et leur imagination n’a point assez de force et d’étendue pour en percer le fond et pour en comparer toutes les parties sans se distraire. Une bagatelle est capable de les détourner ; le moindre cri les effraie ; le plus petit mouvement les occupe. Enfin la manière et non la réalité des choses suffit pour remplir toute la capacité de leur esprit, parce que les moindres objets produisant de grands mouvements dans les fibres délicates de leur cerveau, elles excitent par une suite nécessaire dans leur âme des sentiments assez vifs et assez grands pour l’occuper tout entière.

S’il est certain que cette délicatesse des fibres du cerveau est la principale cause de tous ces effets, il n’est pas de même certain qu’elle se rencontre généralement dans toutes les femmes. Ou si elle s’y rencontre, leurs esprits animaux ont quelquefois une telle proportion avec les fibres de leur cerveau, qu’il se trouve des femmes qui ont plus de solidité d’esprit que quelques hommes. C’est dans un certain tempérament de la grosseur et de l’agitation des esprits animaux avec les fibres du cerveau que consiste la force de l’esprit, et les femmes ont quelquefois ce juste tempérament. Il y a des femmes fortes et constantes et il y a des hommes faibles et inconstants. Il y a des femmes savantes, des femmes courageuses, des femmes capables de tout, et il se trouve au contraire des hommes mous et efféminés, incapables de rien pénétrer et de rien exécuter. Enfin quand nous attribuons quelques défauts à un sexe, à certains âges, à certaines conditions, nous ne l’entendons que pour l’ordinaire, en supposant toujours qu’il n’y a point de règles sans exception.

Car il ne faut pas s’imaginer que tous les hommes ou toutes les