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Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/247

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théologiens des derniers siècles. Car on pourrait peut-être dire que quelques-uns d’eux emploient si souvent des raisonnements humains pour prouver ou pour expliquer des mystères qui sont au-dessus de la raison, quoiqu’ils le fassent avec bonne intention et pour défendre la religion contre les hérétiques, qu’ils donnent souvent occasion à ces mêmes hérétiques de demeurer obstinément attachés à leurs erreurs et de traiter les mystères de la loi comme des opinions humaines.

IV. L’agitation de l’esprit et les subtilités de l’école ne sont pas propres à faire connaître aux hommes leur faiblesse, et ne leur donnent pas toujours cet esprit de soumission, si nécessaire pour se rendre avec humilité aux décisions de l’Église ; Tous ces raisonnements subtils et humains peuvent au contraire exciter en eux leur orgueil secret ; ils peuvent les porter à faire usage de leur esprit mal à propos et à se former ainsi une religion conforme à sa capacité. Aussi ne voit-on pas que les hérétiques se rendent aux arguments philosophiques, et que la lecture des livres purement scolastiques leur fasse reconnaître et condamner leurs erreurs. Mais on voit au contraire tous les jours qu’ils prennent occasion de la faiblesse des raisonnements de quelques scolastiques pour tourner en raillerie les mystères les plus sacrés de notre religion, qui dans la vérité ne sont point établis sur toutes ces raisons et explications humaines, mais seulement sur l’autorité de la parole de Dieu écrite ou non écrite, c’est-à-dire transmise jusqu’à nous par la voie de la tradition.

En effet la raison humaine ne nous fait point comprendre qu’il y ait un Dieu en trois personnes, que le corps de Jésus-Christ soit réellement dans l’eucharistie, et comment il se peut faire que l’homme soit libre, quoique Dieu sache de toute éternité tout ce que l’homme fera. Les raisons qu’on apporte pour prouver et pour expliquer ces choses sont des raisons qui ne prouvent d’ordinaire qu’à ceux qui les veulent admettre sans les examiner, mais qui semblent souvent extravagantes à ceux qui les veulent combattre. et qui ne tombent pas d’accord du fond de ces mystères. On peut dire au contraire que les objections que l’on forme contre les principaux articles de notre foi et principalement contre le mystère de la Trinité sont si fortes qu’il n’est pas possible d’en donner des solutions claires, évidentes, et qui ne choquent en rien notre faible raison, parce qu’en effet ces mystères sont incompréhensibles.

Le meilleur moyen de convertir les hérétiques n’est donc pas de les accoutumer à faire usage de leur esprit en ne leur apportant que des arguments incertains tirés de la philosophie, perce que les