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de notre raison nous obligeront de croire ; car en un mot l’esprit ne sait véritablement que ce qu’il voit avec évidence.

Nous avons montré dans les chapitres précédents que notre esprit n’était pas infini, qu’il avait au contraire une capacité fort médiocre, et que cette capacité était ordinairement remplie par les sensations de l’âme, et enfin que l’esprit, recevant sa direction de la volonté, ne pouvait regarder fixement quelque objet sans en être bientôt détourné par son inconstance et par sa légèreté. Il est indubitable que ces choses sont les causes les plus générales de nos erreurs ; et l’on pourrait s’arrêter ici encore davantage pour le faire voir dans le particulier. Mais ce que l’on a dit suffit à des personnes capables de quelque attention pour leur faire connaître la faiblesse de l’esprit de l’homme. On traitera plus au long dans le quatrième et cinquième livre des erreurs qui ont pour cause nos inclinations naturelles et nos passions, dont nous venons déjà de dire quelque chose dans ce chapitre.




DEUXIÈME PARTIE.


DE L’ENTENDEMENT PUR.


DE LA NATURE DES IDÉES




CHAPITRE PREMIER.


I. Ce qu’on entend par idées. Qu’elles existent véritablement, et qu’elles sont nécessaires pour apercevoir tous les objets matériels. — II. Division de toutes les manières par lesquelles on peut voir les objets de dehors.


I. Je crois que tout le monde tombe d’accord que nous n’aperervons point les objets qui sont hors de nous par eux-mêmes. Nous voyons le soleil, les étoiles et une infiníté d’objets hors de nous ; et il n’est pas vraisemblable que l’âme sorte du corps et qu’elle aille pour ainsi dire, se promener dans les cieux pour y contempler tous ces objets. Elle ne les voit donc point par eux-mêmes ; et l’objet immédiat de notre esprit, lorsqu’il voit le soleil, par exemple, n’est pas le soleil, mais quelque chose qui est intimement unie à notre âme, et c’est ce que j’appelle idée. Ainsi par ce mot idée, je n’en-