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Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/279

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doit faire peine à personne[1]. Voici comme parle saint Augustin[2] : Ab illa incommutabilis luce veritalis, etiam impius, dum ab ea avertitur, quodammodo tangitur : hinc est quod etiam impii cogitans æternitatem, et multa recte reprehendunt recteque laudant in hominum moribus. Quibus ea tandem regulis judicant, nisi in quibus vident, quenmadmodum quisque vivere debeat, etiam si nec ipsi eodem modo vivunt ? Ubi autem eas vident ? Neque enim in sua natura. Nam cum procul dubio mente ista videantur, eorumque mentes constet esse mutabiles, has vero regulas immutabiles videat quisquis in eis et hoc videre potuerit…… ubinam ergo sunt istæ regulæ scriptæ, nisi in libro lucis illius quæ veritas dicitur, unde lex omnis justa describitur….. in qua videt quid operandum sit etiam qui operatur injustitiaum ; et ipse est qui ab illa luce avertitur, a qua tamen tangitur ?

ll y a dans saint Augustin une infinité de passages semblable sa celui-ci, par lesquels il prouve que nous voyons Dieu des cette vie par la connaissance que nous avons des vérités éternelles. La vérité est incréée, immuable, immense, éternelle, au-dessus de toutes choses. Elle est vraie par elle-même ; elle ne tient sa perfection d’aucune chose ; elle rend les créatures plus parfaites, et tous les esprits cherchent naturellement à la connaître. Il n’y a rien qui puisse avoir toutes ces perfections que Dieu. Donc la vérité est Dieu. Nous voyons de ces vérités immuables et éternelles. Donc nous voyons Dieu. Ce sont la les raisons de saint Augustin, les nôtres en sont peu différentes, et nous ne voulons point nous servir injustement de l’autorité d’un si grand homme pour appuyer notre sentiment.

Nous pensons donc que les vérités, même celles qui sont éternelles, comme que deux fois deux font quatre, ne sont pas seulement des êtres absolus ; tant s’en faut que nous croyions qu’elles soient Dieu même. Car il est visible que cette vérité ne consiste que dans un rapport d’égalité qui est entre deux fois deux et quatre. Ainsi nous ne disons pas que nous voyons Dieu en voyant les vérités, comme le dit saint Augustin, mais en voyant les idées de ces vérités ; car les idées sont réelles ; mais l’égalité entre les idées, qui est la vérité, n’est rien de réel. Quand, par exemple, on dit que le drap que l’on mesure à trois aunes, le drap et les aunes sont réels. Mais l’égalité entre trois aunes et le drap n’est point un être réel, ce n’est qu’un rapport qui se trouve entre les trois aunes et le drap.

  1. 1. Voy. la préface des Entr. sur la Met. et la Rép. aux vraies et fausses idées ch. 7 et 21.
  2. Liv 13. de Trium., ch. 15.