Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/281

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qu’ils sentent toujours en eux-mêmes, quoiqu’ils ne la suivent pas toujours par le choix libre de leur volonté ; et qu’ils savent être commune à tous les esprits, quoiqu’elle ne soit pas également forte dans tous les esprits.

C’est par cette dépendance, par ce rapport, par cette union de notre esprit au Verbe de Dieu, et de notre volonté à son amour, que nous sommes faits à l’image et à la ressemblance de Dieu ; et quoique cette image soit beaucoup effacée par le péché, cependant il est nécessaire qu’elle subsiste autant que nous. Mais, si nous portons l’image du Verbe humilié sur la terre, et si nous suivons les mouvements du Saint Esprit, cette image primitive de notre première création, cette union de notre esprit au Verbe du Père et à l’amour du Père et du Fils sera rétablie et rendue ineffaçable. Nous serons semblables à Dieu, si nous sommes semblables à l’homme-Dieu. Eniin Dieu sera tout en nous et nous tout en Dieu d’une manière bien plus parfaite que celle par laquelle il est nécessaire afin que nous subsistions, que nous soyons en lui et qu’il soit en nous[1]

Voilà quelques raisons qui peuvent faire croire que les esprits aperçoivent toutes choses par la présence intime de celui qui comprend tout dans la simplicité de son être. Chacun en jugera selon la conviction intérieure qu’il en recevra après y avoir sérieusement pensé. Mais on croit qu’il n’y a aucune vraisemblance dans toutes les autres manières d’expliquer ces choses, et que cette dernière paraîtra plus que vraisemblable ; ainsi nos âmes dépendent de Dieu en toutes façons. Car de même que c’est lui qui leur fait sentir la douleur, le plaisir et toutes les autres sensations, par l’union naturelle qu’il a mise entre elles et notre corps, qui n’est autre que son décret et sa volonté générale ; ainsi c’est lui qui, par l’union naturelle qu’il a mise aussi entre la volonté de l’homme et la représentation des idées que renferme l’immensité de l’être divin, leur fait connaître tout ce qu’elles connaissent, et cette union naturelle n’est aussi que sa volonté générale. De sorte qu’il n’y a que lui qui nous puisse éclairer en nous représentant toutes choses ; de même qu’il n’y a que lui qui nous puisse rendre heureux en nous faisant goûter toutes sortes de plaisirs.

Demeurons donc dans ce sentiment, que Dieu est le monde intelligible ou le lieu des esprits, de même que le monde matériel est le lieu des corps ; que c’est de sa puissance qu’ils reçoivent toutes leurs modifications ; que c’est dans sa sagesse qu’ils trou-

  1. Voy. les Éclairc. ; la Réponse au livre Des vraies et des fausses idées ; la première Lettre contre la défense opposée à cette Réponse ; les deux premiers Rais. sur la Mét. ; la Réponse à M. Régis, etc. Vous trouverez peut-être la mon sentiment plus clairement démontré.