Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/309

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préjudiœ de la vérité, et que l’amour qu’on a naturellement pour elle porte à la défendre avec ardeur, ils jugent que l’on est opiniâtre.

Ces personnes avaient tort de défendre avec obstination leurs chimères, mais les autres ont raison de soutenir la vérité avec force et fermeté d’esprit. La manière des uns et des autres est la même, mais les sentiments sont différents ; et c’est cette différenre de sentiments qui fait que les uns sont fermes et que les autres étaient des opiniâtres.


CONCLUSION DES TROIS PREMIERS LIVRES.


Des le commencement de cet ouvrage j’aí distingué comme deux parties dans l’être simple et indivisible de l’âme, l’une purement passive, et l’autre passive et active tout ensemble. La première est l’esprit ou l’entendement ; la seconde est la volonté. J’ai attribué à l’esprit trois facultés, parce qu’il reçoit ses modifications et ses idées de l’auteur de la nature en trois manières. Je l’ai appelé sens lorsqu’il reçoit de Dieu des idées confondues avec des sensations, c’est-à-dire des idées sensibles à l’occasion de certains mouvements qui se passent dans les organes de ses sens à la présence des objets. Je l’ai appelé imagination et mémoire lorsqu’il reçoit de Dieu des idées confondues avec des images, lesquelles font une espèce de sensations faibles et languissantes que l’esprit ne reçoit qu’à cause de quelques traces qui se produisent ou qui se réveillent dans le cerveau par le cours des esprits. Enfin je l’ai appelé esprit pur ou entendement pur lorsqu’il reçoit de Dieu les idées toutes pures de la vérité sans mélange de-sensations et d’images : non-par l’union qu’il a avec le corps, mais par celle qu’il a avec le Verbe ou la sagesse de Dieu ; non parce qu’il est dans le monde matériel et sensible, mais parce qu’il subsiste dans le monde immatériel et intelligible ; non pour connaître des choses muables, propres à la conservation de la vie du corps, mais pour pénétrer des vérités immuables, lesquelles conservent en nous la vie de l’esprit.

J’ai fait voir dans le premier et le second livre que nos sens et notre imagination nous sont fort utiles pour connaître les rapports que les corps de dehors ont avec le nôtre ; que toutes les idées que l’esprit reçoit par le corps sont toutes pour le corps ; qu’il est impossible de découvrir quelque vérité que ce soit avec évidence. par les idées des sens et de l’imagination ; que ces idées confuses ne servent qu’à nous attacher à notre corps et par notre corps à