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Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/316

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Adam avant son péché. Nous avons même les inclinations qu’ont les bienheureux dans le Ciel, car Dieu ne fait et ne conserve point des créatures, qu’il ne leur donne un amour pareil au sien. Il s’aime, il nous aime, il aime toutes ses créatures : il ne fait donc point d’esprits qu’il ne les porte à l’aimer, à s’aimer, et à aimer toutes les créatures.

Mais comme toutes nos inclinations ne sont que des impressions de l’auteur de la nature lesquelles nous portent à l’aimer, et toutes choses pour lui, elles ne peuvent être réglées que lorsque nous aimons Dieu de toutes nos forces, et toutes choses pour Dieu, par le choix libre de notre volonté ; car nous ne pouvons sans injustice abuser de l’amour que Dieu nous donne pour lui en aimant par cet amour autre chose que lui et sans rapport à lui. Ainsi, nous connaissons présentement non seulement quelles sont nos inclinations naturelles, mais encore quelles elles doivent être, afin qu’elles soient bien réglées et selon l’institution de leur auteur.

Nous avons donc, premièrement une inclination pour le bien en général, laquelle est le principe de toutes nos inclinations naturelles, de toutes nos passions et de tous les amours libres de notre volonté.

En second lieu nous avons de l’inclination pour la conservation de notre être ou de notre bonheur.

En troisième lieu, nous avons tous de l’inclination pour les autres créatures, lesquelles sont utiles ou à nous-mêmes ou à ceux que nous aimons. Nous avons encore beaucoup d’autres inclinations particulières qui dépendent de celles-ci, mais nous en perlerons peut-être ailleurs. Nous prétendons seulement rapporter dans ce quatrième Livre les erreurs de nos inclinations à ces trois chefs : à l’inclination que nous avons pour le bien en général, à l’amour de nous-mêmes et à l’amour du prochain.


CHAPITRE II.
I. L’inclination pour le bien en général est le principe de d’inquiétude de notre volonté. — II. Et par conséquent de notre peu d’application et de notre ignorance. — III. Premier exemple, la morale peu connue du commun des hommes. — IV. Second exemple, l’immortalité de l’âme contestée par quelques personnes. — V. Que notre ignorance est extrême à l’égard des choses arbitraires, ou qui n’ont guère de rapport à nous.


I. Cette vaste capacité qu’a la volonté pour tous les biens en général, à cause qu’elle n’est faite que pour un bien qui renferme en soi tous les biens, ne peut être remplie par toutes les choses que l’esprit lui représente ; et cependant ce mouvement continuel que Dieu lui imprime vers le bien ne peut s’arrêter. Ce mouvement, ne cessant jamais, donne nécessairement à l’esprit une agitation con-