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Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/333

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mépriser, puisqu’ils ne les connaissent pas, ni croire aussi témérairement qu’elles renferment ce qu’ils souhaitent et ce qu’ils espèrent.

Mais voici ce qui arrive assez souvent. Les hommes, après avoir examiné les opinions anciennes et communes, n’y ont point reconnu la lumière de la vérité. Après avoir goûté les biens ordinaires, ils n’y ont point trouvé le plaisir solide qui doit accompagner la possession du bien ; leurs désirs et leurs empressements ne se sont donc point apaisés par les opinions et les biens ordinaires. Si donc on leur parle de quelque chose de nouveau et d’extraordinaire, l’idée de la nouveauté leur fait d’abord espérer que c’est justement ce qu’ils cherchent ; et parce qu’on se flatte ordinairement et qu’on croit volontiers que les choses sont comme on souhaite qu’elles soient, leurs espérances se fortifient à proportion que leurs désirs s’augmentent, et enfin elles se changent insensiblement en des assurances imaginaires. Ils attachent ensuite si fortement l’idée de la nouveauté avec l’idée de la vérité, que l’une ne se représente jamais sans l’autre ; et ce qui est plus nouveau leur parait toujours plus vrai et meilleur que ce qui est plus ordinaire et plus commun ; bien différents en cela de quelques-uns, qui, ayant joint par aversion pour les hérésies l’idée de la nouveauté avec celle de la fausseté, s’imaginent que toutes les opinions nouvelles sont fausses et qu’elles renferment quelque chose de dangereux.

On peut donc dire que cette disposition ordinaire de l’esprit et du cœur des hommes à l’égard de tout ce qui porte le caractère de la nouveauté, est une des causes les plus générales de leurs erreurs, car elle ne les conduit presque jamais à la vérité. Lorsqu’elle les y conduit, ce n’est que par hasard et par bonheur ; et enfin elle les détourne toujours de leur véritable bien en les arrêtant dans cette multiplicité de divertissements et de faux biens dont le monde est rempli ; ce qui est l’erreur la plus dangereuse dans laquelle on puisse tomber.

II. La troisième règle contre les désirs excessifs de la nouveauté est que, lorsque nous sommes assurés d’ailleurs que des vérités sont si cachées qu’il est moralement impossible de les découvrir, et que les biens sont si petits et si minces qu’ils ne peuvent nous rendre heureux, nous ne devons pas nous laisser exciter par la nouveauté qui s’y rencontre.

Tout le monde peut savoir par la foi, par la raison et par l’expérience, que tous les biens créés ne peuvent pas remplir la capacité infinie de la volonté. La foi nous apprend que toutes les choses du monde ne sont que vanité, et que notre bonheur ne con-