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Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/35

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CHAPITRE III.
I. Réponse à quelques objections. — II. Remarques sur ce qu’on a dit de la nécessité de l’évidence.


I. Il n’est pas fort difficile de deviner que la pratique de la première règle, dont je viens de parler dans le chapitre précédent, ne plaira pas à tout le monde, mais principalement à ces savants imaginaires qui prétendent tout savoir et qui ne savent jamais rien, qui se plaisent à parler hardiment des choses les plus difficiles, et qui certainement ne connaissent pas les plus faciles.

Ils ne manqueront pas de dire avec Aristote, que ce n’est que dans les mathématiques qu’il faut chercher une entière certitude ; mais que la morale et la physique sont des sciences où la seule probabilité suffit, que Descartes a eu grand tort de vouloir traiter de la physique, comme de la géométrie, et que c’est pour cette raison qu’il n’y a pas réussi, qu’il est impossible aux hommes de connaître la nature ; que ses ressorts et ses secrets sont impénétrables à l’esprit humain ; et une infinité d’autres belles choses, qu’ils débitent avec pompe et magnificence, et qu’ils appuient de l’autorité d’une foule d’auteurs. dont ils font gloire de savoir les noms, et de citer quelque passage.

Je voudrais fort prier ces messieurs de ne parler plus de ce qu’ils avouent eux-mêmes qu’ils ne savent pas ; et d’arrêter les mouvements ridicules de leur vanité, en cessant de composer de si gros volumes sur des matières qui, selon leur propre aveu, leur sont inconnues.

Mais que ces personnes examinent sérieusement, s’il n'est pas absolument nécessaire, ou de tomber dans l’erreur, ou de ne donner jamais un consentement entier, qu’à des choses entièrement évidentes : si la vérité n’accompagne pas toujours la géométrie, à cause que les géomètres observent cette règle ; et si les erreurs où quelques-uns sont tombés touchant la quadrature du cercle, la duplication du cube, et quelques autres problèmes fort difficiles, ne viennent pas de quelque précipitation et de quelque entêtement, qui leur a fait prendre la vraisemblance pour la vérité.

Qu’ils considèrent aussi d’un autre côté, si la fausseté et la confusion.ne règnent pas dans la philosophie ordinaire. À cause que les philosophes se contentent d’une vraisemblance fort facile à trouver, et si commode pour leur vanité et pour louis intérêts. N’y trouve-t-on pas presque partout une infinie diversité de sentiments