Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/412

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chemin à ces humeurs. Et afin d’empêcher que les mêmes humeurs ne reçoivent une pareille agitation et une pareille fermentation dans le cœur en divers temps, il y a d’autres nerfs qui en causent les battements ; et ces nerfs, n’étant pas également agités dans les différents mouvements des esprits, ne poussent pas le sang avec la même force dans les artères. D’autres nerfs répandus dans le poumon distribuent l’air au cœur, en serrant et en relâchant les branches du canal qui sertà la respiration ; et ils règlent de cette sorte la fermentation du sang par rapport aux circonstances de la passion qui domine.

Enfin, pour régler avec plus de justesse et de promptitude le cours des esprits, il y a des nerfs qui environnent les artères, tant celles qui montent au cerveau que celles qui conduisent le sang à toutes les autres parties du corps. De sorte que l’ébranlement du cerveau, qui accompagne la vue inopinée de quelque circonstance à cause de laquelle il est à propos de changer tous les mouvements de la passion, détermine subitement le cours des esprits vers les nerfs qui environnent ces artères, pour fermer par leur contraction le passage au sang qui monte vers le cerveau ; et l’ouvrir par leur relâchement à celui qui se répand dans toutes les autres parties du corps.

Ces artères qui portent le sang vers le cerveau étant libres, et toutes celles qui le répandent dans tout le reste du corps étant fortement liées par ces nerfs, la tête doit être toute remplie de sang et le visage en doit être tout couvert. Mais quelque circonstance venant à changer l’ébranlement du cerveau qui causait cette disposition dans ces nerfs, les artères liées se délient et les autres au contraire se serrent fortement. Ainsi la tête se trouve vide de sang, la pâleur se peint sur le visage, et le peu de sang qui sort du cœur, et que les nerfs dont nous avons parlé y laissent entrer pour entretenir la vie, descend presque tout dans les parties basses du corps : le cerveau manque d’esprits animaux, et tout le reste du corps est saisi de faiblesse et de tremblement.

Pour expliquer et prouver en détail les choses que nous venons de dire, il serait nécessaire de donner une connaissance générale de la physique et une particulière du corps humain. Mais ces deux sciences sont encore trop imparfaites pour conserver toute l’exactitude que je souhaiterais : outre que si je poussais plus avant cette matière, cela me conduirait bientôt hors de mon sujet ; car il me suffit de donner ici une idée grossière et générale des passions, pourvu que cette idée ne soit point fausse.

Ces ébranlements du cerveau et ces mouvements du sang et