Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/506

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conque juge qu’il voit un rapport d’égalité entre deux fois 2 et 5, se trompe, parce qu’il voit, ou plutôt parce qu’il pense voir un rapport d’égalité qui n’est point. Les vérités ne sont donc que des rapports, et la connaissance des vérités la connaissance des rapports. Mais les faussetés ne sont point, et la connaissance de la fausseté, ou une connaissance fausse, est la connaissance de ce qui n’est point, si cela se peut dire ; car, comme l’on ne peut connaître ce qui n’est point que par rapport à ce qui est, on ne reconnaît l’erreur que par la vérité.

On peut distinguer autant de genres de faussetés que de vérités. Et comme il y a des rapports de trois sortes, d’une idée à une autre idée, d’une chose à son idée ou d’une idée à sa chose, enfin d’une chose à une autre chose, il y a des vérités et des faussetés de trois sortes. Il y en a entre les idées, entre les choses et leurs idées, et entre les choses seulement. Il est vrai que deux fois 2 sont 4 ; il est faux que deux fois 2 soient 5 : voilà une vérité et une fausseté entre les idées. Il est vrai qu’il y a un soleil ; il est faux qu’il y en ait deux : voilà une vérité et une faussete entre les choses et leurs idées. Il est vrai enfin que la terre est plus grande que la lune, et il est faux que le soleil soit plus petit que la terre : voilà une vérité et une fausseté qui est seulement entre les choses.

De ces trois sortes de vérités, celles qui sont entre les idées sont éternelles et immuables, et. À cause de leur immutabilitéâ, elles sont aussi les règles et les mesures de toutes les autres ; car toute règle ou toute mesure doit être invariable. Et c’est pour cela que l’on ne considère dans l’arithmétique, l’algèbre et la géométrie que ces sortes de vérités, parce que ces sciences générales règlent et renferment toutes les sciences particulières. Tous les rapports ou toutes les vérités qui sont entre les choses créées, ou entre les idées et les choses créées, sont sujettes au changement dont toute créature est capable. Il n’y a que les seules vérités qui sont entre nos idées et l’être souverain qui soient immuables comme celles qui sont entre les seules idées, parce que Dieu n’est point sujet au changement, non plus que les idées qu’il renferme.

Il n’y a aussi que les vérités qui sont entre les idées que l’on tâche de découvrir par le seul exercice de l’esprit ; car on se sert presque toujours de ses sens pour découvrir les autres vérités. On se sert de ses yeux et de ses mains pour s’assurer de l’existence des choses, et pour reconnaître les rapports d’égalité ou d’inégalité qui sont entre elles. Il n’y a que les seules idées dont l’espriL puisse connaître infailliblement les rapports par lui-même et sans l’usage des sens. Mais non-seulement il y a rapport entre les idées, mais