Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/547

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trices, en un mot, d’une certaine nature qui est le principe du mouvement de chaque chose, et, quoiqu’ils n’en aient aucune idée distincte, ils sont bien aises, à cause de la corruption de leur cœur, de la mettre à la place du vrai Dieu, en s’imaginant que c’est elle qui fait toutes les merveilles que nous voyons.


CHAPITRE V.
Explication des principes de la philosophie d’Aristote, où l’on fait voir qu’il n’a jamais observé la seconde partie de la règle générale, et où l’on examine ses quatre éléments, et ses qualités élémentaires.


Afin que l’on puisse faire quelque comparaison de la philosophie de Descartes avec celle d’Aristote, il est à propos que je représente en abrégé ce que celui-ci a pensé des éléments et des corps uaturels en général, ce que les plus savants croient qu’il a fait dans ses quatre livres Du ciel ; car les huit livres de physique appartiennent plutôt à la logique ou, si l’on veut, à la métaphysique qu'à la physique, puisque ce ne sont que des mots vagues et généraux qui ne représentent point à l’esprit d’idée distincte et particulière. Ces quatre livres sont intitulés Du ciel, parce que le ciel est le principal des corps simples dont il traite.

Ce philosophe commence cet ouvrage par prouver que le monde est parfait, et voici sa preuve. Tous les corps ont trois dimensions ; ils n’en peuvent pas avoir davantage, car le nombre de trois comprend tout, selon les pythagoriciens. Or le monde est l’assemblage de tous les corps : donc le monde est parfait. On pourrait, par cette plaisante preuve, démontrer aussi que le monde ne peut être plus imparfait qu'il est, puisqu'il ne peut être composé de parties qui aient moins de trois dimensions.

Dans le second chapitre, il suppose d’abord certaines vérités peripatétiques. 1°. Que tous les corps naturels ont d’eux-mêmes la force de se remuer : ce qu’il ne prouve point ici ni ailleurs. Il assure au contraire, dans le premier chapitre du second livre de physique, qu’il est ridicule de s’efforcer de le prouver, parce que, dit-il, c’est une chose évidente par elle-même, et qu’il n’y a que ceux qui ne peuvent discerner ce qui est connu de soi-même de ce qui ne l’est pas qui s’arrêtent à prouver ce qui est évident par ce qui est obscur. Mais on a fait voir ailleurs qu’il est absolument faux que les corps naturels aient dans eux-mêmes la force de se remuer, et que cela ne paraît évident qu’à ceux qui, comme Aristote, suivent les impressions de leurs sens et ne font aucun usage de leur raison.