Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/552

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la lire dans ses livres. Je croirais perdre le temps de la rapporter. Il continue, dans le septième, de prouver que les corps ne sont pas infinis, et sa première preuve suppose qu’il est nécessaire que tout corps soit en mouvement, ce qu’il ne prouve point et ce qui ne se peut prouver.

Il soutient, dans le huitième, qu’il n’y a point plusieurs mondes de même espèce, par cette plaisante raison, que s’il y avait une autre terre que celle que nous habitons, la terre étant pesante par sa nature, cette terre devrait tomber sur la nôtre, parce que la nôtre est le centre où doivent tomber tous les corps pesants. D’où a-t-il appris cela, que de ses sens ?

Dans le neuvième, il prouve qu’il n’est pas même possible qu’il y ait plusieurs mondes, parce que s’il y avait quelque corps au-dessus du ciel, il serait simple ou composé, dans un état naturel ou violent, ce qui ne peut être, par des raisons qu’il tire des trois espèces de mouvements dont il a déjà parlé.

Il assure, dans le dixième, que le monde est éternel, parce qu’il ne se peut faire qu’il ait commencé d’être et, qu’il dure toujours, puisque nous voyons que tout ce qui se fait se corrompt avec le temps. Il a appris ceci de ses sens. Mais qui lui a appris que le monde durera toujours ?

Il emploie le onzième chapitre à expliquer ce que l’on entend par incorruptible, comme si l’équivoque était fort à craindre et qu’il dùt faire un grand usage de son explication. Cependant ce terme incorruptible est si clair par lui-même, qu’Aristote ne se met point en peine d’expliquer ni en quel sens il le faut prendre, ni en quel sens ille prend. Il aurait été plus à propos qu’il eût défini une ínfinité de termes dont il se sert, qui ne réveillent que des idées sensibles, car on aurait peut-être appris quelque chose en lisant ses ouvrages.

Enfin dans le dernier chapitre de ce premier livre Du ciel, il tâche de faire voir que le monde est incorruptible parce qu’il ne se peut faire qu’il ait commencé et qu’il dure éternellement. Toutes choses, dit-il, subsistent, durant un temps fini ou infini. Mais ce qui n’est infini qu’en un sens n’est ni fini ni infini. Donc rien ne peut subsister en cette manière.

Voilà de quelle manière raisonne le prince des philosophes et le génie de la nature, lequel, au lieu de faire connaître par des idées claires et distinctes la véritable cause des effets naturels, établit une philosophie païenne sur les idées fausses et confuses des sens, ou sur des idées trop générales pour être utiles à la recherche de la vérité.