Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/588

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pas, quelque autre cause naturelle du mouvement des corps que leur mutuelle rencontre ; il faut plutôt supposer qu’il n’y en a point, et considérer avec attention quel corps peut rencontrer et remuer cet aimant.

On voit d’abord que ce n’est point l’aimant qu’on tient en main, puisqu’il ne touche pas celui qui est remué. Mais parce qu’il n’est remue qu’à l’approche de celui qu’on tient en main, et qu’il ne se remue pas de lui-même, on doit conclure que, bien que ce ne soit pas l’aimant qu’on tient qui le remue, ce doit être quelques petits corps qui en sortent et qui sont poussés par lui vers l’autre aimant.

Pour découvrir ces petits corps il ne faut pas ouvrir les yeux et s’approcher de cet aimant, car les sens imposeraient à la raison, et l’on jugerait peut-être qu’il ne sort rien de l’aimant, à cause qu’on n’en voit rien sortir ; ou ne se souviendrait peut-être pas qu’on ne voit pas les vents, même les plus impétueux, ni plusieurs autres corps qui produisent des effets extraordinaires. Il faut se tenir ferme à ce moyen très-clair et très-intelligible, et examiner avec soin tous les effets de l’aimant, afin de découvrir comment il peut sans cesse pousser hors de lui ces petits corps sans qu’il diminue ; car les expériences que l’on fera découvriront que ces petits corps, qui sortent par un côté, rentrent incontinent par l’autre. et elles serviront à expliquer toutes les difficultés que l’on peut former contre la manière de résoudre cette question. Mais il faut bien remarquer qu’on ne devrait pas abandonner ce moyen, quand même on ne pourrait répondre à quelques difficultés appuyées sur l’ignorance où l’on est de beaucoup de choses.

Si l’on ne souhaite pas d’examiner d’où vient que les aimants se repoussent lorsqu’on leur oppose les mêmes pôles, mais plutôt d’où vient qu’ils s’approchent et qu’ils se joignent l’un à l’autre lorsqu’on présente le pôle septentrional de l’un au pôle méridional de l’autre, la question sera plus difficile et un seul moyen ne suffira pas pour la résoudre. Ce n’est point assez de connaître exactement les rapports qui sont entre les pôles de ces deux aimants, ni de recourir au moyen que l’on a pris pour la question précédente, car ce moyen semble au contraire empêcher l’effet dont on chercherait la cause. Il ne faut point aussi recourir à aucune des choses que nous ne connaissons point clairement être les causes naturelles et ordinaires des mouvements corporels, ni nous délivrer de la difficulté de la question par l’idée vague et indéterminée d’une qualité occulte dans les aimants, par laquelle ils s’attirent l’un l’autre ; car l’esprit ne peut concevoir clairement qu’un corps en puisse attirer un autre.

L’impénétrabilité des corps fait clairement concevoir que le mou-