Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/596

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choses entre plusieurs autres : la première, qu’il est composé de fibres comme les autres muscles ; la seconde, qu’il a deux cavités très-considérables. Je juge donc que son mouvement se peut faire par le moyen des esprits animaux, puisque c’est un muscle ; et que le sang s’y fermente et s’y dilate, puisqu’il y a des cavités. Le premier de ces jugements est appuyé sur ce que je viens de dire, et le second sur ce que le cœur est beaucoup plus chaud que toutes les autres parties du corps ; que c’est lui qui répand la chaleur avec le sang dans tous nos membres ; que ces deux cavités n’ont pu se conserver que par la dilatation du sang, et qu’ainsi elles servent à la cause qui les a produites. Je puis donc rendre suffisamment raison du mouvement du cœur par les esprits qui l’agitent et par le sang qui le dilate lorsque ce sang se fermente ; car encore que la cause que j’apporte de son mouvement ne soit peut-être pas la véritable, il me paraît certain qu’elle est suffisante pour le produire.

Il est vrai que le principe de la fermentation ou de la dilatation des liqueurs n’est peut-être pas assez connu à tous ceux qui liront ceci pour prétendre avoir expliqué un effet lorsqu’on a fait voir en général que sa cause est la fermentation ; mais on ne doit pas résoudre toutes les questions particulières en remontant jusques aux premières causes. Ce n’est pas que l’on n’y puisse remonter et découvrir ainsi le véritable système dont tous les effets particuliers dépendent, pourvu que l’on ne s’arrète qu’aux idées claires ; mais c’est que cette manière de philosopher n’est pas la plus juste ni la plus courte.

Pour faire comprendre ce que je veux dire, il faut savoir qu’il y a des questions de deux sortes. Dans les premières, il s’agit de découvrir la nature et les propriétés de quelque chose ; dans les autres, on souhaite seulement de savoir si une telle chose a ou n’a pas une telle propriété : ou, si l’on sait qu’elle à une telle propriété, on veut seulement découvrir quelle en est la cause.

Pour résoudre les questions du premier genre il faut considérer les choses dans leur naissance, et les concevoir toujours d’engendrer par les voies les plus simples et les plus naturelles. Pour résoudre les autres, il faut s’y prendre d’une manière bien différente : il faut les résoudre par des suppositions, et examiner si ces suppositions font tomber dans quelque absurdité ou si elles conduisent à quelque vérité clairement connue.

On veut, par exemple, découvrir quelles sont les propriétés de la roulette ou de quelqu’une des sections coniques, il faut considérer res lignes dans leur génération, et les former selon les voies les plus simples et les moins embarrassées ; car c’est là le meilleur et