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Page:Manuel d’Épictète, trad. Guyau, 1875.djvu/121

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MANUEL D’ÉPICTÈTE.

XLIII

les deux anses.


Chaque chose a deux anses : par l’une elle est facile à porter ; par l’autre, impossible. Ton frère te fait-il une injustice, ne prends pas la chose par le côté de l’injustice : car c’est l’anse par où on ne saurait la porter ; mais plutôt prends-la par ce côté : c’est un frère, un homme nourri avec toi ; et tu prendras la chose par où elle est supportable.


XLIV

ne pas confondre soi et ce qui est à soi.


C’est mal raisonner que de dire : « Je suis plus riche que vous, donc je suis meilleur que vous ; je

    bonitas. — V. dans les Éclaircissements, les extraits des Entretiens d’Epictète et des Pensées de Marc-Aurèle.

    Cette idée stoïcienne de la charité et du pardon des injures dérive trop de principes fatalistes ; elle trouve plutôt sa source dans la nécessité comprise et acceptée que dans la volonté libre et aimante. Pour les stoïciens comme pour les socratiques, tout vice est ignorance, erreur, illusion : οὐδεὶς κακὸς ἑκών. C’est pour cette raison qu’il faut pardonner à l’homme vicieux, comme on pardonne à la pierre qui vous heurte. Le seul remède au vice, comme à l’ignorance, c’est la science ; il suffit de voir assez le bien pour le suivre comme on suivait auparavant le mal ; la science, une fois introduite dans l’intelligence, introduit aussitôt le bien dans la volonté : toute science est vertu, toute vertu est science, et la science suprême est la vertu parfaite. — C’est là un déterminisme moral qu’il n’est pas facile d’accorder avec la conception si remarquable qu’a eue le stoïcisme du choix volontaire (ἡ προαίρεσις) et de l’indépendance personnelle (τὸ ἐφ’ ἡμῖν).