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Page:Manuel d’Épictète, trad. Guyau, 1875.djvu/33

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XXIII
SUR LA PHILOSOPHIE D'ÉPICTÈTE.

On n’a pas assez vu, dans la doctrine stoïque sur l’amour, ce côté par où elle s’efforce de rester rationnelle et logique. En fait, elle paraît irréfutable tant qu’on demeure au point de vue où se sont placés les stoïciens eux-mêmes, tant qu’on n’élève pas au-dessus de la logique des choses la volonté aimante de l’homme. Il est illogique de s’affliger lorsque arrive aux autres ce qui, vous arrivant à vous-même, ne vous affligerait pas ; il y a là quelque chose qui dépasse le pur raisonnement, et que les stoïciens, s’en tenant à la raison abstraite, ne pouvaient comprendre.

Le courage stoïque s’accorde d’ailleurs, sur ce point, avec la résignation chrétienne. Pascal distinguera, conformément à l’esprit du stoïcisme, entre l’affection et l’attachement, — l’attachement qui veut retenir ce à quoi il s’est pris une fois, l’affection qui, soit que son objet s’éloigne ou s’approche, reste impassible.

— « Comment aimer mes amis ? » demandait-on à Épictète. — Comme aime une âme élevée, répondit-il, comme aime un homme heureux. Jamais la raison ne nous commande de nous abaisser, de pleurer, de nous mettre dans la dépendance des autres… Aime tes amis en te gardant de tout cela… Et qui t’empêche de les aimer comme on aime des gens