Page:Manuel d’Épictète, trad. Guyau, 1875.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
XLVII
SUR LA PHILOSOPHIE D'ÉPICTÈTE.

(ἄπλωσον σεαυτόν), » dit Marc-Aurèle. N’aurait-il pas mieux valu dire : « Multiplie-toi toi-même, agrandis-toi. » Le bien ne consiste pas seulement, comme le croit Épictète, dans ce qui dépend présentement de nous ; il consiste à faire sans cesse dépendre de nous plus de choses, à élargir sans cesse le domaine de notre volonté. Au lieu de nous mettre à part de la nature, il faut nous la soumettre.

Ainsi les stoïciens, n’ayant pas pénétré la vraie essence de la liberté humaine, n’ont pas compris le vrai rôle de l’homme dans le monde ; ils ont cru que l’homme devait accepter le monde tel qu’il est, s’incliner devant tout ce qui arrive, ne pas désirer ni vouloir mieux : l’homme, au contraire, autant qu’il est en lui, ne doit-il pas aspirer et travailler au progrès du monde ? C’est à l’être supérieur de la nature, c’est à l’homme d’empêcher que les choses ne tournent dans un « cercle éternel. »

De même, le vrai rôle de l’homme dans l’humanité a échappé aux stoïciens. De leur conception incomplète de la volonté humaine naît leur incomplète conception de l’amour d’autrui. En prescrivant à l’homme de communiquer sa science et sa raison, mais de ne pas donner tout entière son