Aller au contenu

Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
146
les forçats du mariage

Écrire, pourquoi ? Pour éclairer mes contemporains, pour arriver à la gloire ou pour gagner de l’argent ? Mes contemporains ont déjà trop de lumière ; ils ne peuvent l’absorber toute ; ils ont la rétine si récalcitrante ! La gloire ? Mettons que j’obtienne un succès. Mon livre se vendra à quinze cents exemplaires, et les masses tout entières ignoreront mon nom. Quelques-uns me prôneront, parce que je suis riche ; d’autres, parce que je suis riche, me refuseront du talent. Pour un inconnu qui m’admirera, vingt amis me dénigreront. Tu le vois : la gloire, fumée ! D’autres sages l’ont dit avant moi.

— Allons, tu es dans une veine de misanthropie.

— Peut-être. C’est la faute du soleil qui oublie aujourd’hui de nous montrer son visage. Quand le soleil me manque, je suis un corps sans âme.

Il soupira, chantonna un bâillement.

— Tiens, quand je serai vieux, reprit-il, pour faire quelque chose d’utile au genre humain, qui agonise, dit-on, faute d’une religion rationnelle, je rétablirai le culte du soleil.

— Eh bien ! veux-tu que nous retournions en Italie, que nous allions à Naples, en Grèce, en Orient ?

— S’il n’y a pas de soleil à Paris en hiver, repartit Robert, Paris lui-même n’est-il pas le soleil, c’est-à-dire un centre de vie, de lumière, de chaleur ? On y respire les miasmes, les brouillards ;