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les forçats du mariage

restez-vous auprès d’elle ? Je ne veux pas d’un amour partagé, entendez-vous ? je n’en veux pas.

— Mon amour est tout à vous, Juliette, je vous le jure. Je ne suis resté hier auprès d’elle que par pitié. Je ne puis cependant pas la tuer dans l’état où elle est. Vous-même, si j’étais capable d’une semblable cruauté, vous me mépriseriez, vous me haïriez.

— Vous aimez mieux que je souffre, moi ? Que vous importe ? Je ne suis pas votre femme, je n’ai aucun droit. Vous pouvez sans cruauté me faire mourir, n’est-ce pas ? Eh bien ! non, non, je ne veux pas souffrir.

— Moi non plus, je ne veux pas que tu souffres ; je t’aimerai uniquement, éternellement.

— Jure-le sur ma vie, sur la tienne, sur notre salut à tous deux.

Robert prononça les plus terribles serments.

Alors Juliette, complètement guérie, devint douce et charmante. Une teinte rosée reparut à ses joues. Ses yeux encore endoloris prirent une expression de tendresse infinie.

Il semblait que tout sentiment de colère, de vengeance fût éteint, que la passion sensuelle elle-même fût absorbée par l’ivresse du cœur, une ivresse chaste et profonde.

— Que je suis heureuse de t’aimer ainsi ! reprit-elle. Et je t’aime sans remords. Pourquoi aurais-je des remords ? N’est-ce pas toi que mon cœur avait