Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
186
les forçats du mariage

C’était une belle journée d’avril ; le tout Paris élégant s’était donné rendez-vous au champ de courses de Vincennes.

Juliette y parut en calèche découverte, capitonnée de damas orange, et conduite par deux chevaux noirs, des chevaux de race, à crinière rutilante, aux naseaux fumants, se cabrant sous le mors, et dont les fougues semblaient s’associer à la fièvre qui brûlait Juliette. La figure basanée d’Étienne achevait de donner à ce cadre une chaude couleur.

Mme Moriceau, à demi étendue dans la calèche, portait une ravissante toilette de satin gris perle, avec un mignon chapeau de velours cerise. Ces couleurs seyaient à son teint pâle.

M. de Luz faisait courir et se tenait au pesage.

Indifférente aux chances du turf, Juliette cherchait des yeux Robert. Elle finit par l’apercevoir au milieu d’un groupe fort animé, parlant à une femme dont la toilette provocante attirait les regards.

Quelle curiosité la poussa tout à coup ? Elle descendit de voiture, fendit la foule au bras d’Étienne, et s’avançant vers le pesage, elle reconnut Nana.

Alors toute cette nuit de douleur où elle l’avait entrevue dansant comme une bacchante au milieu de l’orgie, lui revint en mémoire. Ce souvenir lui traversa l’esprit ainsi qu’une fantasmagorie lugubre.

Elle éprouva comme un vertige. Elle ne voulut plus se résigner et souffrir. Elle voulut, elle aussi,