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Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/320

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les forçats du mariage

tière. Depuis quand aimez-vous M. de Luz ? Dites la vérité, entendez-vous, car vous ne me tromperiez plus.

— Oui, je vous dirai tout ; c’est dans la vérité entière qu’est mon excuse. Vous savez la douloureuse histoire de mon enfance. Quand je connus M. de Luz, j’avais douze ans. C’était le seul être qui m’aimât, qui s’intéressât à moi. Je l’ai donc aimé dès ce temps-là de toute mon âme d’enfant abandonné. Il me gâtait, lui, alors que tout le monde me délaissait. Depuis quand l’ai-je aimé d’amour ? Je n’en sais rien. Déjà au couvent, lors qu’on m’appelait au parloir, mon cœur battait avec force ; et quand mes amies me disaient : c’est ton beau prince charmant, je me sentais rougir. Mais je n’ai su réellement que je l’aimais d’une passion invincible, que lorsqu’il vint m’annoncer son mariage. J’ai failli mourir.

— Ainsi, dit Étienne d’une voix étouffée, vous vous êtes mariée par dépit. Quand vous avez juré de m’aimer, votre cœur déjà était à un autre. Jamais, jamais, moi, pauvre malheureux, vous ne m’avez aimé ! Quelle atroce déception !

Il cacha sa tête dans ses mains.

— Continuez, je veux tout savoir, reprit-il. Vous êtes moins coupable peut-être. La faute est aussi à moi, à moi que l’amour aveuglait. Depuis quand étiez-vous la maîtresse de M. de Luz ?

— Ne me questionnez pas à ce sujet, répondit-