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les forçats du mariage

Elle s’arrêta.

— Trop bon, reprit-elle avec un soupir.

— Que voulez-vous dire ?

— Que vous m’avez un peu gâtée en effet, et que si je me montre exigeante, c’est votre faute.

— Alors il faut que je devienne méchant ?

— Non, oh ! non ! supplia-t-elle.

— Écoutez, ma chère enfant, je veux vous parler sérieusement ce soir. Votre grand’mère se fait vieille ; moi-même, me trouvant ruiné, que vais-je devenir ? Il vous faut un protecteur, un appui ; je veux vous marier.

— Moi, me marier ! s’écria Juliette avec un rire nerveux. Mais je ne pense pas à cela.

— J’y pense pour vous, repartit Robert avec gravité. Je veux assurer votre avenir. Vous avez vingt ans, peu de fortune. Si votre grand’mère venait à mourir, que feriez-vous avec votre complète ignorance du monde ?

— Je connais le monde plus que vous ne le croyez.

— Par les livres ? Non, chère amie, vous ne le connaissez pas ; et cette ignorance est d’autant plus dangereuse que votre esprit s’est exalté au couvent d’abord, par la religion mystique qu’on vous y a enseignée ; puis ici par la solitude et la lecture.

— Les romans ! Vous savez bien que la dernière fois que mon père nous a quittées, il a soigneusement soustrait de sa bibliothèque tous les livres d’amour.