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les forçats du mariage

— Et d’ennui donc. L’ennui, a dit Lamennais, naquit un soir d’hiver en famille.

— Aux enfants naturels, ces touchantes victimes d’une loi dénaturée, puisqu’elle les prive de leurs pères !

— Les enfants naturels, en voilà des gens heureux ! s’écria Nana. Moi qui suis surnaturelle, c’est-à-dire pourvue de père, mère, et d’un tas de frères et sœurs, je n’en suis pas plus fière, attendu qu’il faut que je nourrisse tout ça.

— Raison de plus, reprit Robert d’une voix déjà chevrotante ; à bas le mariage et la famille, mais surtout la famille de Nana !

L’orgie allait crescendo, et ces privilégiés de la société, ces hommes gorgés de superflu, dépravés par toutes les jouissances, vomissaient contre l’ordre social les arlequinades les plus subversives.

— À Robert, le plus spirituel des raffinés, le plus viveur des crevés, le plus sceptique des philosophes, le plus désemmaillotté de toute lisière, de tout préjugé !

— Ma lanterne, où est ma lanterne ? hurla une petite voix flûtée, un homme sans préjugés, je veux voir ça !

— Et moi, je demande quel est celui qui sérieusement a des préjugés, s’écria Pierre Fromont. On affecte d’en avoir par bienséance, mais on n’en a pas.

— Moi, dit Étienne Moriceau, qui parlait pour