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IV
Une conversation entre Karl Marx
et un fonctionnaire syndical allemand


Remarque préliminaire : En 1869, Karl Marx resta quelque temps en visite chez un médecin ami, le Dr. Kugelmann à Hanovre. À cette occasion, il fut interviewé sur sa position envers le mouvement syndical par une délégation syndicale de lassalliens conduite par le trésorier général du syndicat général des ouvriers métallurgistes allemands, J. Hamann. L’entretien eut lieu le 30 septembre 1869. Le 17 novembre, Hamann en fit un compte rendu dans le Volksstaat de Wilhelm Liebknecht, évidemment à la façon dont il avait, lui, Hamann, compris les déclarations de Marx. Marx, — comme celui-ci l’écrivit lui-même à Frédéric Engels au sujet de son entretien (voir Correspondance, tome IV, page 169 édit. all.) s’était exprimé « de façon diplomatique très réservée », mais il croyait « néanmoins avoir dit sub rosa (à mots couverts) à ces gens le nécessaire ». Malheureusement, Hamann n’avait retenu que ce qui lui plaisait, c’est-à-dire la nécessité de rendre les syndicats indépendants du Parti lassallien. Et cette idée il l’a rendue sous une forme qui apparaît impossible dans la bouche de Marx et sans aucun lien avec la situation politique d’alors. Certes, Marx avait à cœur de ne pas laisser Schweitzer, le successeur de Lassalle à l’Union générale des ouvriers allemands, attirer sur une voie politique fausse le mouvement syndical allemand qui s’éveillait. A la tentative de Schweitzer de mettre les syndicats qu’il avait fondés sous la dictature brutale du Parti lassallien sectaire, comme il l’avait déclaré d’ailleurs dans un Editorial de son organe der Sozial-Demokrat du 14/9/69. (« Que le syndicat en tant que chose accessoire doit se subordonner strictement et absolument à l’Union [c’est-à-dire à l’Union générale des ouvriers allemands] en tant que chose principale »), Marx s’opposa de la façon la plus résolue. Dans une lettre à Schweitzer du 13 octobre 1869, Marx avait déjà fait des reproches à celui-ci : « Vous avez en fait exigé du mouvement de classe qu’il se subordonne à un mouvement sectaire particulier ». D’ailleurs il faut considérer que, une fois l’interdiction de coalition abrogée, trois instances politiques avaient réussi dans l’Union allemande du Nord à constituer leurs propres syndicats : le lassallien Schweitzer, le congrès des associations ouvrières allemandes (sous la direction de Bebel-Liebknecht) et le Parti progressif (syndicats Hirsch-Duncker). On peut pardonner à Hamann d’avoir par trop généralisé les déclarations de Marx qui étaient les bienvenues pour lui et partant