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LA CIVILISATION ET LE GRANDS FLEUVES.

aurait plus de guerres, plus de rapines ; le fort n’écraserait plus le faible sous le poids de sa fierté, et l’astucieux ne spéculerait pas sur la naïveté du simple. »

Passons à ce que Mencius reproche à ces « philosophes mercenaires empoisonnant le monde de leurs doctrines perverses » : « Yang-tchou, dit-il, prêche le « pour soi », donc il ne reconnaît pas de souverain ; Mo-ti veut l’amour commun, donc il ne reconnaît pas la paternité. Mais vivre sans souverain et sans père serait se ravaler au niveau des oiseaux et des bêtes !… » Plus loin, il y revient encore : « Yang-tchou enseigne qu’on ne doit vivre que pour soi et que si, pour faire du bien à l’univers, il suffisait de sacrifier un seul de ses cheveux, on devrait quand même s’en abstenir ; Mo-ti pèche par un excès d’amour sans distinction. Si les doctrines de Yang-tchou et de Mo-ti ne trouvent pas d’opposition — et seules, les doctrines de Koung-fou-tse pourraient présenter un obstacle sérieux à leur extension — le peuple sera induit en erreur, et la vérité, ainsi que l’esprit humanitaire, seront étouffés, les hommes deviendront comme des bêtes prêtes à s’entre-dévorer. C’est ce que je crains, et c’est pourquoi je me fais le champion de la Voie que les vrais sages des temps passés ont enseignée ; je proteste contre Yang-tchou et Mo-ti ; je combats la perversité de leurs doctrines pour que ces faux prophètes n’obtiennent pas de succès. Peu importe que leur enseignement vienne du cœur, puisqu’il nuit à la cause, et qu’il empêche l’organisation du pouvoir. »