Aller au contenu

Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115

L’aoriste en -ea- –եա– qu’on rencontre à côté des présents en -č̣im –չիմ | -num –նում (§ 79) et dans des cas comme yareay յարեայ « je me suis levé », est sans doute issu d’un ancien imparfait ; si l’on fait abstraction du -a- –ա– qui caractérise tous les aoristes moyens, on y trouve en effet -i- : (y-)ari- rappelle lat. ori-tur « il se lève », et le -i- –ի– apparaît à plein dans l’impératif anomal (sans le préverbe y- յ–) ari արի « lève-toi ». D’autre part, on a vu (§ 79) que le *-iske- que renferment les verbes en -č̣- –չ– est l’élargissement par *-ske- d’un thème en *-i-, ainsi lat. (re-)miniscor « je me souviens » en regard de v. sl. mǐni-tŭ « il pense ». L’aoriste en -ea- –եա– a donc conservé l’imparfait du thème dont le présent en -ç- –չ– -nu- –նու– offre un élargissement.

b) Aoriste en -ç- –ց–

84. — La caractéristique -ç- –ց– de l’aoriste repose sur un ancien *-ske- ; le grec a de même des prétérits comme φάσϰον, φεύγεσϰον, φύγεσϰον, φιλέεσϰον (phaskon, feugeskon, fugeskon, fileeskon), etc. ; le suffixe n’a rien de proprement aoristique : on a vu au paragraphe précédent que l’aoriste arménien représente une forme indo-européenne à désinences secondaires, mais non pas nécessairement un aoriste.

Cette caractéristique s’ajoute à un thème terminé par une voyelle : régulièrement aux verbes dont le présent est en -a- –ա–, ainsi mnam մնամ « je reste », aor. mnaçi մնացի « je suis resté » ; yusam յուսամ « j’espère », aor. yusaçay յուսացայ ; luanam լուանամ « je lave », aor. luaçi լուացի ; zarmanam զարմանամ « je m’étonne », aor. zarmaçay զարմացայ ; à tous les verbes à présent en -nu- –նու– qui ont (ou avaient avant la chute de i et u) une voyelle devant -nu- : zgenum զգենում « je m’habille », aor. zgeçay զգեցայ ; lnum լնում « j’emplis » (de *linum), aor. lçi լցի, 3me pers. eliç ելից ; les présents en -e- –ե– et en -i- –ի– sans nasale sont accompagnés d’un aoriste en -ç- –ց– sauf les exceptions indiquées aux §§ 75 et 78. Mais le -ç- –ց– s’ajoute à -ea- –եա– et non à -e- –ե– ou -i- –ի– ; ainsi gorcem գործեմ « je fais », aor. gorceaç գործեաց « il a fait », 1re pers. gorceçi գործեցի ; gorcim գործիմ « je suis fait », aor. gorceçay գործեցայ « j’ai été fait ». Cet élément -ea- –եա– repose sur un ancien *-is-ā-. Le -is- est un élargissement répondant à celui que présente le type