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Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/25

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-européen. D’autre part, il est remarquable que les langues caucasiennes du sud accentuent la pénultième et que, de bonne heure, les dialectes arméniens du Karabagh et d’Agulis qui sont ceux de populations caucasiennes arménisées ont remplacé par l’accent sur la pénultième l’accent sur la finale de l’arménien classique. Le plus probable est que la fixation préhistorique d’un accent sur la pénultième tient, dans une large mesure, à l’influence de populations indigènes arménisées qui, comme les populations actuelles de langue caucasienne, accentuaient la pénultième ; d’ailleurs la pénultième est l’une des places les plus fréquemment occupées par l’accent dans les langues connues.

Les effets de l’accent arménien qui viennent d’être décrits avaient cessé sensiblement avant la fixation de l’arménien par l’écriture, mais des exemples cités il résulte que l’action sur les voyelles i et u et sur les diphtongues oy et *ey est postérieure aux emprunts à l’iranien de date arsacide. La chute des finales, qui a été plus complète que celle des autres voyelles, est elle-même postérieure aux anciens emprunts à l’iranien ; en effet les thèmes nominaux iraniens en -a-, -i-, -u- donnent, dans ces vieux emprunts, des thèmes arméniens en -a- (ou en -o-), -i-, -u-, ainsi *daiva- « démon » donne dew դեւ, diwac̣ դիւաց ; *pāθra- « garde » donne pa(r)h պարհ, pahoy պահոյ ; *axti- « mal » donne axt ախտ, axtic̣ ախտից ; *xratu- « sagesse » donne xrat խրատ ; xratu խրատու : au moment où ont été faits les emprunts, les mots pehlevis n’avaient donc pas encore perdu leur finale, et c’est en arménien que les finales sont tombées en même temps qu’elles tombaient aussi sur sol iranien ; l’absence d’une finale u dans xrat en pehlevi et en arménien résulte de deux développements parallèles et indépendants.

II. CONSONNES PROPREMENT DITES.

6. — L’arménien possédait un système consonantique très riche et dont les éléments accusent un parallélisme d’une frappante rigueur.

Il y avait trois séries d’occlusives : labiales, dentales et gutturales, chacune d’elles existant sous forme de sourde non aspirée, de sourde aspirée (c’est-à-dire où l’explosion était suivie d’un souffle) et de sonore, soit :