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Chapitre II.
ALTERNANCES.

28. — La partie vocalique de chacun des éléments morphologiques indo-européens, comportait des alternances dont la nature et la valeur significative étaient rigoureusement définies et qui caractérisaient les formes grammaticales d’une manière essentielle et nécessaire. Le type normal des alternances était :

ĕ (et ē) ŏ (et ō) zéro.

L’aspect en était compliqué par la présence des sonantes, mais on reconnaît sans peine que :

skr. ás-ti « il est » s-ánti « ils sont »
lat. es-t s-unt

et

skr. é-mi « je vais » i-máḥ « nous allons »
gr. εἶ-μι ἴ-μεν

sont exactement parallèles et présentent une même alternance ĕ zéro. — Ces alternances sont surtout claires en grec, dans des cas comme :

χέ(ϝ)-ω γο(ϝ)-ᾱ χυ-τός
χεύ-σω

ou

τέν-ων
τόν-ος
τα-τός (de *tn̥-tos).

Elles se sont maintenues partiellement jusqu’aujourd’hui dans certaines langues, par exemple dans les verbes forts allemands tels que binde « je lie », band, gebunden ou dans le russe so-berú « je réunirai », so-brát‘ « réunir », so-bór « réunion », cf. gr. φέρω, φαρέτρα, φόρος. Mais d’une manière générale elles n’ont pas cessé de perdre de leur importance depuis l’époque indo-européenne et