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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/646

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dissoit contre les difficultés ; et ses régents se louoient toujours à moi de son assiduité et de son travail. Enfin, à force de battre le fer, il en est venu glorieusement à avoir ses licences ; et je puis dire, sans vanité, que, depuis deux ans qu’il est sur les bancs, il n’y a point de candidat qui ait fait plus de bruit que lui dans toutes les disputes de notre école. Il s’y est rendu redoutable ; et il ne s’y passe point d’acte où il n’aille argumenter à outrance pour la proposition contraire. Il est ferme dans la dispute, fort comme un Turc sur ses principes, ne démord jamais de son opinion, et poursuit un raisonnement jusque dans les derniers recoins de la logique. Mais, sur toute chose, ce qui me plaît en lui, et en quoi il suit mon exemple, c’est qu’il s’attache aveuglément aux opinions de nos anciens, et que jamais il n’a voulu comprendre ni écouter les raisons et les expériences des prétendues découvertes de notre siècle, touchant la circulation du sang, et autres opinions de même farine.

thomas diafoirus, tirant de sa poche une grande thèse roulée, qu’il présente à Angélique.

J’ai, contre les circulateurs, soutenu une thèse, qu’avec la permission (saluant Argan) de monsieur, j’ose présenter à mademoiselle, comme un hommage que je lui dois des prémices de mon esprit.

angélique.

Monsieur, c’est pour moi un meuble inutile, et je ne me connois pas à ces choses-là.

toinette, prenant la thèse.

Donnez, donnez. Elle est toujours bonne à prendre pour l’image : cela servira à parer notre chambre.

thomas diafoirus, saluant encore Argan.

Avec la permission aussi de monsieur, je vous invite à venir voir, l’un de ces jours, pour vous divertir, la dissection d’une femme, sur quoi je dois raisonner[1].

toinette.

Le divertissement sera agréable. Il y en a qui donnent la comédie à leurs maîtresses ; mais donner une dissection est quelque chose de plus galant.

  1. Cette plaisanterie est évidemment imitée des Plaideurs de Racine, où Dandin propose à Isabelle de lui faire passer une heure ou deux à voir donner sa question. (Bret.)