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ANALYSE RAISONNÉE

Il faut l'avouer, ce ne furent point ces vertus humaines, ce faux honneur, cette crainte servile, qui maintinrent et firent agir toutes les parties du corps politique de l’État sous les Tite, les Nerva, les Marc-Aurèle, les Trajan, les Antonin : ce furent les mœurs qui ont toujours autant contribué à la liberté que les lois. Une belle carrière à remplir pour un lecteur attentif seroit de développer ce principe fécond et intéressant, que notre auteur n’a laissé renfermé dans son germe que pour le plaisir que les seules grandes âmes goûtent à trouver des compagnons de leurs travaux. On peut dire de notre auteur que tout, jusqu’à ses négligences, se ressent de son caractère.

Après la constitution, la force défensive et offensive du gouvernement forme une des principales branches de la législation. Comme la raison et l’expérience se sont toujours trouvées d’accord à montrer que l’agrandissement du territoire au delà de ses justes bornes n’est pas l’augmentation des forces réelles de l'État, mais plutôt une diminution de sa puissance, notre auteur, après avoir indiqué les moyens propres à pourvoir à la sûreté de la monarchie, c’est-à-dire à la force défensive, fait sentir à ceux à qui la monarchie a confié sa puissance, ses forces, le sort de ses États, combien il faut qu’ils soient circonspects à ne porter pas trop loin leur zèle pour la gloire du maître, étant plus de son intérêt qu’il augmente son influence au lieu d’augmenter la jalousie, et qu’il devienne plutôt l'objet du respect de ses voisins que de leurs craintes.

Pour ce qui est de la force défensive des républiques, notre auteur la voit là où on l’a toujours trouvée, c’est-à-dire dans ces associations fédératives de plusieurs républiques, qui ont toujours assuré à cette forme de gouvernement la prospérité au dedans et la considération au dehors.

Je ne saurois quitter ce sujet sans faire ici une remarque. Notre auteur, qui ne paroît avoir fait son ouvrage que pour s’opposer aux sentiments de l’abbé de Saint-