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CHAPITRE III.


DU PRINCIPE DE LA DÉMOCRATIE.


Il ne faut pas beaucoup de probité pour qu’un gouvernement monarchique ou un gouvernement despotique se maintienne ou se soutienne. La force des lois dans l’un, le bras du prince toujours levé dans l’autre, règlent ou contiennent tout. Mais, dans un état populaire, il faut un ressort de plus, qui est la VERTU[1].

Ce que je dis est confirmé par le corps entier de l’histoire, et est très-conforme à la nature des choses. Car il est clair que dans une monarchie, où celui qui fait exécuter les lois se juge au-dessus des lois, on a besoin de moins de vertu que dans un gouvernement populaire, où celui qui fait exécuter les lois sent qu’il y est soumis lui-même, et qu’il en portera le poids.

Il est clair encore que le monarque qui, par mauvais conseil ou par négligence, cesse de faire exécuter les lois,

  1. Tout gouvernement est un ordre, et nul ordre ne s’établit que sur la morale. Or le gouvernement républicain dépend principalement de l’esprit et du caractère du plus grand nombre, comme le gouvernement royal dépend éminemment du caractère d’un seul, du roi ou du ministre qui règne. Si le caractère général n’est pas bon, la chose publique sera donc mauvaise, comme le royaume ira mal si le prince est mauvais ; avec cette différence que les vices du prince passent avec lui, et peuvent être compensés par un successeur meilleur que lui, au lieu que rien n’arrête la corruption d’une république. (LA HARPE.)