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III
A L'ESPRIT DES LOIS.


tous les jours les mains paternelles tomber ; je suivois mon objet sans for-mer de dessein ; je ne connoissois ni les règles ni les exceptions ; je ne trouvois la vérité que pour la perdre. Mais quand j'ai découvert mes principes, tout ce que je cherchais est venu d moi, et dans le cours de vingt années, j’ai vu mon ouvrage commencer, croître, s’avancer et finir. »

Quels sont ces principes qui doivent nous donner la clef de l'Esprit des lois ? Il est singulier qu’aucun des critiques de Montesquieu ne se soit donné la peine de le chercher. Cependant, dans cette même préface, l'auteur en signale toute l'importance :

« J’ai d'abord examiné les hommes, et j’ai cru que, dans cette infinie diversité de lois et de mœurs, ils n’étoient pas uniquement conduits par leurs fantaisies.

« J’ai posé les principes, et j'ai vu les cas particuliers s'y plier comme d’eux-mêmes ; les histoires de toutes les nations n’en être que les suites, et chaque loi particulière liée avec une autre loi, ou dépendre d’une autre plus générale.

« Je n’ai point tiré mes principes de mes préjugés, mais de la nature des choses. »

Après une déclaration aussi nette, il est évident qu’on ne peut saisir la pensée de l'auteur si l'on n’a sans cesse devant les yeux ces principes, tirés de la nature des choses, qui ont dirigé Montesquieu dans ses recherches, et qui constituent la véritable originalité de l'Esprit des lois. A première vue ce livre présente l'image de la confusion ; on a peine à s’y reconnaître ; ne serait-ce pas parce qu’on avance sur un terrain nouveau sans en posséder la carte ? C’est cette carte que Montesquieu lui-même tracera pour nous, et que nous essayerons de mettre entre les mains du lecteur.

A l’origine, l’ouvrage devait être divisé en cinq parties [1] ; on voit même qu’en 1747 Montesquieu voulait publier son livre en cinq volumes, qui devaient être suivis d’un sixième de supplément [2].

  1. Lettre à l'abbé de Guasco, du 20 février 1747.
  2. Lettre à monseigneur Cerati, du 31 mars 1747.