CHAPITRE III.
Comme l'éducation dans les monarchies ne travaille qu’à élever le cœur, elle ne cherche qu’à l’abaisser dans les États despotiques. Il faut qu’elle y soit servile. Ce sera un bien, même dans le commandement, de l’avoir eue telle, personne n’y étant tyran sans être en même temps esclave.
L’extrême obéissance [1] suppose de l’ignorance dans celui qui obéit ; elle en suppose même dans celui qui commande ; il n’a point à délibérer, à douter, ni à raisonner ; il n’a qu’à vouloir.
Dans les États despotiques, chaque maison est un empire séparé. L’éducation, qui consiste principalement à vivre avec les autres, y est donc très-bornée ; elle se réduit à mettre la crainte dans le cœur, et à donner à l’esprit la connoissance de quelques principes de religion fort simples. Le savoir y sera dangereux, l’émulation funeste : et, pour les vertus, Aristote ne peut croire qu’il y en ait quelqu’une de propre aux esclaves [2] ; ce qui borneroit bien l’éducation dans ce gouvernement.