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LIVRE V, CHAP. III.


tention que demande le nécessaire pour sa famille et même le superflu pour sa patrie. Les richesses donnent une puissance dont un citoyen ne peut pas user pour lui ; car il ne seroit pas égal. Elles procurent des délices dont il ne doit pas jouir non plus parce qu’elles choqueroient l’égalité tout de même [1].


Aussi les bonnes démocraties, en établissant la frugalité domestique, ont-elles ouvert la porte aux dépenses publiques, comme on fit à Athènes et à Rome. Pour lors la magnificence et la profusion naissoient du fonds de la frugalité même : et, comme la religion demande qu’on ait les mains pures pour faire des offrandes aux dieux, les lois vouloient des mœurs frugales pour que l’on pût donner à sa patrie.

Le bon sens et le bonheur des particuliers consiste beaucoup dans la médiocrité de leurs talents et de leurs fortunes [2]. Une république où les lois auront formé beaucoup de gens médiocres, composée de gens sages, se gouvernera sagement ; composée de gens heureux, elle sera très-heureuse.

  1. A. Parce qu’elles choqueroient aussi l'égalité.
  2. Médiocrité dans la fortune, cela s’entend quand on a vu des riches, mais dans les talents, c'est parler en grand seigneur, et non en sage qui croit qu'il y a bien et mal, vice et vertu. (HELVÉTIUS.)
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