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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/317

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CHAPITRE II.


DE LA SIMPLICITÉ DES LOIS CRIMINELLES
DANS LES DIVERS GOUVERNEMENTS.


On entend dire sans cesse qu’il faudroit que la justice fût rendue partout comme en Turquie. Il n’y aura donc que les plus ignorants de tous les peuples qui auront vu clair dans la chose du monde qu’il importe le plus aux hommes de savoir ?

Si vous examinez les formalités de la justice par rapport à la peine qu'a un citoyen à se faire rendre son bien, ou à obtenir satisfaction de quelque outrage, vous en trouverez sans doute trop. Si vous les regardez dans le rapport qu’elles ont avec la liberté et la sûreté des citoyens, vous en trouverez souvent trop peu ; et vous verrez que les peines, les dépenses, les longueurs, les dangers même de la justice, sont le prix que chaque citoyen donne pour sa liberté [1].

En Turquie, où l’on fait très-peu d’attention à la fortune, à la vie, à l’honneur des sujets, on termine promptement, d’une façon ou d’une autre, toutes les disputes. La manière de les finir est indifférente, pourvu qu’on finisse. Le bacha, d’abord éclairci, fait distribuer, à sa fantaisie, des coups de bâton sur la plante des pieds des plaideurs, et les renvoie chez eux.

  1. Inf., XXIX, 1.