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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/363

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LIVRE VII, CHAP. II.

A mesure que le luxe s’établit dans une république, l'esprit se tourne vers l’intérêt particulier. A des gens à qui il ne faut rien que le nécessaire, il ne reste à désirer que la gloire de la patrie et la sienne propre. Mais une âme corrompue par le luxe a bien d’autres désirs. Bientôt elle devient ennemie des lois qui la gênent. Le luxe que la garnison de Rhége commença à connoître, fit qu’elle en égorgea les habitants.

Sitôt que les Romains furent corrompus, leurs désirs devinrent immenses [1]. On en peut juger par le prix qu’ils mirent aux choses. Une cruche de vin de Falerne [2] se vendoit cent deniers romains ; un baril de chair salée du Pont en coûtoit quatre cents ; un bon cuisinier, quatre talents : les jeunes garçons n’avoient point de prix. Quand, par une impétuosité [3] générale, tout le monde se portoit à la volupté, que devenoit la vertu ?

  1. Les Romains parvinrent à la fortune comme d’insolents parvenus ; ils en jouirent de même. (HELVÉTIUS.)
  2. Fragment du livre XXXVI de Diodore, rapporté par Const Porphyrog., Extrait des vertus et des vices. (M.)
  3. Cum maximus omnium impetus ad luxuriam esset. Ibid. (M.)
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