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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/399

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CHAPITRE V.


DE LA CORRUPTION DU PRINCIPE DE L’ARISTOCRATIE.


L’aristocratie se corrompt lorsque le pouvoir des nobles devient arbitraire : il ne peut plus y avoir de vertu dans ceux qui gouvernent, ni dans ceux qui sont gouvernés.

Quand les familles régnantes observent les lois, c’est une monarchie qui a plusieurs monarques, et qui est très-bonne par sa nature ; presque tous ces monarques sont liés par les lois. Mais quand elles ne les observent pas, c’est un État despotique qui a plusieurs despotes.

Dans ce cas la république ne subsiste qu’à l’égard des nobles, et entre eux seulement. Elle est dans le corps qui gouverne, et l’État despotique est dans le corps qui est gouverné ; ce qui fait les deux corps du monde les plus désunis.

L’extrême corruption est lorsque les nobles deviennent héréditaires [1] ; ils ne peuvent plus guère avoir de modération. S’ils sont en petit nombre, leur pouvoir est plus grand, mais leur sûreté diminue : s’ils sont en plus grand nombre, leur pouvoir est moindre, et leur sûreté plus grande : en sorte que le pouvoir va croissant, et la sûreté diminuant, jusqu’au despote, sur la tête duquel est l’excès du pouvoir et du danger.

  1. L'aristocratie se change en oligarchie. (M.)