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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/401

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CHAPITRE VI.


DE LA CORRUPTION DU PRINCIPE DE LA MONARCHIE.


Comme les démocraties se perdent lorsque le peuple dépouille le sénat, les magistrats et les juges de leurs fonctions, les monarchies se corrompent lorsqu’on ôte peu à peu les prérogatives des corps ou les privilèges des villes [1]. Dans le premier cas, on va au despotisme de tous ; dans l’autre, au despotisme d’un seul.

« Ce qui perdit les dynasties de Tsin et de Souï, dit un auteur chinois, c’est qu’au lieu de se borner, comme les anciens, à une inspection générale, seule digne du souverain, les princes voulurent gouverner tout immédiatement par eux-mêmes [2]. » L’auteur chinois nous donne ici la cause de la corruption de presque toutes les monarchies.

La monarchie se perd, lorsqu’un prince croit qu’il montre plus sa puissance en changeant l’ordre des choses qu’en le suivant ; lorsqu’il ôte les fonctions naturelles des uns pour les donner arbitrairement à d’autres, et lorsqu’il est plus amoureux de ses fantaisies que de ses volontés.

La monarchie se perd, lorsque le prince, rapportant

  1. C’est ce que firent les Valois et les Bourbons.
  2. Compilation d'ouvrages faits sous les Ming, rapportés par le P. du Halde. Description de la Chine, t. II, p. 648. (M.) En d'autres termes : les monarchies tempérées périssent par la centralisation. On voit qu’en parlant de la Chine, c’est la monarchie française que vise Montesquieu.