Aller au contenu

Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/420

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAPITRE XVII.


PROPRIÉTÉS DISTINCTIVES DE LA MONARCHIE.


Un État monarchique doit être d’une grandeur médiocre. S’il étoit petit, il se formeroit en république ; s’il étoit fort étendu, les principaux de l’État, grands par eux-mêmes, n’étant point sous les yeux du prince, ayant leur cour hors de sa cour, assurés d’ailleurs contre les exécutions promptes par les lois et par les mœurs, pourroient cesser d’obéir ; ils ne craindroient pas une punition trop lente et trop éloignée [1].

Aussi Charlemagne eut-il à peine fondé son empire, qu’il fallut le diviser ; soit que les gouverneurs des provinces n’obéissent pas ; soit que, pour les faire mieux obéir, il fût nécessaire de partager l’empire en plusieurs royaumes.

Après la mort d’Alexandre, son empire fut partagé. Comment ces grands de Grèce et de Macédoine, libres, ou du moins chefs des conquérants répandus dans cette vaste conquête, auroient-ils pu obéir ?

  1. Montesquieu songeait à l'empire de Charlemagne, et au temps où il n'y avait ni routes, ni navigation ; mais aujourd'hui le problème est changé. Avec les chemins de fer, les télégraphes, la mer couverte de navires, il est plus aisé au président des États-Unis de tenir un continent sous sa main, qu'il ne l'était à Louis le Gros de maintenir Corbeil dans l'obéissance. La question d'étendue de territoire n'est plus aujourd'hui une question de gouvernement, à moins qu’il ne s'agisse d'un pays aussi vaste que la Chine et aussi étranger aux merveilles de l'industrie moderne Inf., IX, VI.