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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/47

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XXVII
A L’ESPRIT DES LOIS.


épluchures du sien. Il a dit à un benêt d’imprimer qui est venu lui demander s'il devoit imprimer ce livre, qu'il s’en donnât bien de garde, qu'il en seroit pour ses frais. Après vous avoir dit tout cela, tout est dit ; il ne me reste plus qu'à vous assurer, mon cher président, de toute ma tendresse et du désir que j’ai de vous revoir [1]. »


Si l’on rapproche de cette lettre ce que Montesquieu écrit le 27 mai 1750 au marquis de Stainville, qu’en un an et demi on a fait vingt-deux éditions de son livre [2] et qu’il est traduit dans presque toutes les langues, on sentira que d’Alembert a été un peu loin quand il reproche à nos pères leur indifférence. Il a pris une plaisanterie de Mme Du Deffant pour l’opinion de la France. La vérité est, au contraire, qu au dernier siècle aucun livre ne fut accueilli avec plus de faveur que l'Esprit des lois.

Il y eut bientôt des critiques ; il était difficile qu’il n’y en eût pas. En 1748, au milieu du silence universel, quand on vivait encore sur la tradition du grand règne, un Français, un magistrat, un philosophe, portait une main hardie sur l'arche sainte du gouvernement, et faisait de la religion même l’objet de ses études et de ses critiques. C’était une témérité, presque un crime, aux yeux de ces hommes (et ils sont nombreux) qui ne permettent pas qu’on touche à leurs croyances, ou qu’on trouble leurs préjugés.

Un des premiers qui entra eu lice fut un certain abbé de Bonnaire. Son livre est intitulé : L'Esprit des lois quintessencié par une suite de lettres analytiques, 2 vol. in-12. Ce sont des lettres familières, écrites dans ce style grossier et bouffon.


A ce nom fait et l’abandonne.
— Oh ! oh I dit d’Aube ; en ce pays
On me reçoit comme à Paris :
Quand j’allais voir quelqu’un, je ne trouvais personne.
  1. Cette lettre a été publiée pour la première fois par M. Auguis, dans ses Révélations indiscrètes du XVIIIe siècle, Paris, 1814.
  2. De 1748 à 1750, M. Vian (Montesquieu, Bibliographie de ses œuvres, par Louis Dangeau) ne compte que douze éditions, ce qui est déjà considérable ; mais il y a eu peut-être plusieurs éditions sous la même date.