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LXII
INTRODUCTION


Europe ; la police impériale y eût mis bon ordre. Plus tard il en courut une copie inexacte qui fut imprimée à Liège, et réimprimée à Paris. En 1819, M. de Tracy, devenu pair de France, en donna une édition plus correcte. « Puisque tout le monde imprime mon ouvrage, sans mon aveu, dit-il dans l’avertissement, j’aime mieux qu’il paraisse tel que je l’ai composé. »

L’ouvrage fit sensation dans le public ; on n’était plus habitué à tant de hardiesse politique. Au fond, ce que proposait l’auteur, comme le seul gouvernement avoué par la raison ; c’était la République. La France n'en était pas là en 1819.

A ne considérer M. de Tracy que comme un commentateur de Montesquieu, on peut lui faire le même reproche qu’à Helvétius. Il a le dédain de l’histoire, et ne croit qu’à la raison et à la logique. Il fait de la politique par théories générales, et sans se soucier des cas particuliers. Avec un pareil procédé tous les problèmes disparaissent, ou pour mieux dire on passe à côté. Montesquieu étudie la nature et le principe des gouvernements. De Tracy répond gravement : « II y a deux espèces de gouvernements ; ceux qui sont fondés sur les droits généraux des hommes, et ceux qui se prétendent fondés sur des droits particuliers, — Le principe des gouvernements fondés sur les droits des hommes, est la raison. » Très-bien ; nous voici fort avancés dans la connaissance des empires et des législations. Et quelles lois donneront ces gouvernements, fondés sur la raison ? Écoutons l’oracle : « Les gouvernements fondés sur la raison n’ont qu’à laisser agir la nature. — Les lois positives doivent être conséquentes aux lois de notre nature. Voilà l'Esprit des lois. » En vérité, si M. de Tracy avait voulu prouver qu’il ne comprenait pas un mot de ce que Montesquieu a voulu dire et faire, s’y serait-il pris autrement ?

Est-ce à dire que le livre de M. de Tracy soit sans mérite ? Non sans doute. Qu’on oublie l’intitulé de l’ouvrage, qu’on