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Page:Montifaud - Les Romantiques, 1878.djvu/49

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théophile gautier

parole de Joubert convient surtout : « Les mots s’illuminent quand les doigts du poëte y font passer leur phosphore. »

Gautier avait-il conscience qu’il n’appartenait guère à ce siècle où il vivait ? Égaré un instant au camp des Philistins du xixe, se sentait-il solidaire d’une autre époque dont la figure avait déjà pris possession de l’histoire, il y a deux mille ans ? l’on est bien tenté de le croire, et ce n’est certes point à son insu que sa conscience d’écrivain le ramène vers la Grèce. Il semble que c’est une âme qui n’a pas été trempée assez fortement dans les eaux du Léthé avant de s’incarner, et qui a gardé impérissable le souvenir de la première patrie. Ceux-là qui ont comme lui la date du ve siècle avant Jésus-Christ à inscrire sur leur registre de naissance, en vain on les emboîte dans l’étroitesse du vêtement parisien sur leurs épaules a flotté la chlamyde ; l’asphalte leur brûle les pieds ; on dirait qu’ils marchaient à l’ombre du portique. L’entretien qu’ils ont commencé chez d’autres que leurs contemporains, ils le poursuivent dans le silence intérieur. C’est la pensée qui converse avec la pensée à travers les distances. Jamais, croyez-le, ils ne s’acclima-