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98 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

DE QUELQUES CŒURS INQUIETS, petits essais de psychologie religieuse, par François Mauriac (Société Litté- raire de France).

M. François Mauriac qui est surtout poète et romancier, ne saurait pas ne pas mettre du sien dans sa critique, et la moitié de l'inti^-rct que nous prendrons à ses « petits essais de psycho- logie religieuse » ira fatalement à ce qu'il nous révèle sur sa manière de penser et de réagir devant le spectacle des « cœurs inquiets» dont il analyse pour nous l'aventure. Derrière l'in- quiétude d'un Lacordaire, d'un Maurice de Guérin, d'un Amiel ou d'un Baudelaire, il ne nous est pas malaisé d'apercevoir la sienne et ce n'est pas pour rien qu'il sympathise avec ces âmes chargées de tourment. A dire vrai le tourment du xx^ siècle n'est pas très différent du tourment romantique ; il a exactement les mêmes causes : l'élan religieux de l'âme dans la non-confor- mité aux lois de Dieu, ou bien la passion qui veut l'ordre sans renoncer à son enivrement. Ce tourment se complique aujour- d'hui d'une subtilité intellectuelle plus rare, d'un plaisir un peu cérébral indépendant du vertige purement affectif. C'est ainsi que M. Mauriac, parlant de psychologie religieuse, peut joindre aux noms que j'ai cités, le nom imprévu de Stendhal qui n'eut pas l'ombre de spiritualité en lui et quoique, personnellement, il ait depuis longtemps conclu, il se donne à l'occasion le plaisir d'hésiter avant de conclure : un Barrés, un Gide ont influencé ce cœur-là. Cependant, je le répète, M. Mauriac est bon catho- li<jue et par ailleurs il sait quelles ressources illimitées le point de vue catholique fournit au jeu intérieur et à l'analyse psycho- logique. Donc loin de s'endormir sur « le mol oreiller » d'une aveugle foi, il donne accueil à toute nouveauté qui vient du siècle, quitte à bientôt la repousser, mais après une passe d'armes qui lui aura permis de prendre contact avec elle ; il est d'autant plus libre de ses mouvements, voire de ses écarts, qu'il sent sa foi plus assurée. Cela ne va pas sans péril, ni sans mélancolie. C'est en quoi il ressemble aux écrivains dont il a décrit le tour- ment. — Voici Henri Lacordaire adolescent : faut-il ici parler d'inquiétude ? c'est l'inquiétude de tous les jeunes gens : moins du romantisme avéré et jalousement cultivé que de la « fièvre de croissance ». Voici Maurice de Guérin qui s'efforce de fuir

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